DIPTÈRES

DIPTÈRES
DIPTÈRES

Comme leur nom l’indique, les Diptères (mouches, moustiques, etc.) sont des Insectes qui ne possèdent qu’une seule paire d’ailes fonctionnelles; les ailes postérieures sont transformées en «balanciers» à rôle sensoriel et leur régression entraîne des modifications du thorax, lequel est presque exclusivement formé du mésothorax. Les pièces buccales forment une trompe piqueuse ou suceuse. Le développement est holométabole: les larves, toujours apodes, se métamorphosent en nymphes; celles-ci peuvent être mobiles (moustiques), d’autres sont enfermées dans une enveloppe dure ou puparium (mouches). L’écologie des Diptères est extrêmement variée; le plus souvent, larves et adultes ont des comportements très différents. Les nombreuses espèces prédatrices, parasites ou hématophages confèrent aux Diptères une grande importance en entomologie agricole, médicale ou vétérinaire; certaines espèces transmettent de graves maladies comme le paludisme, la maladie du sommeil, la fièvre jaune.

1. Étude d’un type : la mouche à viande

L’insecte adulte

Morphologie

La tête est occupée en grande partie par les deux gros yeux composés, mais elle comprend également (fig. 1): la région postérieure occipitale; le front (vertex) qui porte les trois occelles; la face caractérisée par les deux cavités dans lesquelles se logent les antennes, formées de trois articles dont le dernier, le plus gros, porte les pores olfactifs et une longue soie, l’arista; la région inférieure prolongée par l’appareil buccal qui forme une trompe.

Celle-ci comporte d’abord un cône buccal renforcé par une pièce sclérifiée: l’étrier ou fulcrum, et portant les palpes. La trompe proprement dite (haustellum) se compose d’une lèvre supérieure (labre) et d’une lèvre inférieure (labium) entre lesquelles se loge l’hypopharynx (fig. 1 b). Mandibules et maxilles ont disparu mais les palpes maxillaires sont bien développés; quant au labium, il est profondément modifié par rapport au type broyeur de l’insecte primitif: il s’épaissit pour former une gouttière (qui contient le labre et l’épipharynx) et son extrémité distale constitue une ventouse composée de labelles correspondant aux paraglosses. La membrane qui recouvre les labelles contient des canaux, dénommés «pseudotrachées» en raison de leur apparence, qui communiquent avec l’ouverture buccale et servent à la succion des liquides. La trompe des mouches est rétractile et son extension se produit sous l’action de sacs à air céphaliques et de la pression sanguine. La rétraction est provoquée par l’action de muscles spéciaux.

Le thorax est caractérisé par le grand développement du second segment (mésothorax), les deux autres (prothorax et métathorax) étant extrêmement réduits. Cette prépondérance du mésothorax, qui porte les ailes, est liée au grand développement des muscles alaires. Le mésothorax est lui-même secondairement divisé par de nombreuses sutures; dans la partie dorsale (tergite), le mésonotum, seul visible, se divise en préscutum, scutum, scutellum (fig. 2).

Sur chacun des trois segments thoraciques se fixe une paire de pattes se terminant par un tarse à cinq articles. Le dernier article du tarse est adapté à la marche sur les surfaces lisses et porte, en plus des griffes, des pelotes ou pulvilles, garnies de poils adhésifs, qui permettent à l’insecte de marcher sur les vitres ou sur les plafonds. Entre les deux pulvilles se trouve une longue soie sensorielle: l’empodium.

Les ailes fixées latéralement sur le mésothorax ont une nervation simple, caractérisée par la courbure de la médiane dans sa partie distale; la base de l’aile présente un lobe auxiliaire: l’alule. Il existe, en outre, entre l’alule et le thorax deux écailles membraneuses bordées de poils: les cuillerons (fig. 3). Les Diptères moins évolués présentent une nervation plus complexe.

Les balanciers, que l’on considère comme des organes d’équilibration, proviennent de la transformation des ailes postérieures comme le montrent les spécimens aberrants de Drosophila melanogaster à quatre ailes (variété tetraptera ) trouvés dans la nature ou obtenus par mutation expérimentale (Morgan et collaborateurs). Le balancier, articulé sur le métathorax, est extrêmement mobile. À sa base sont logés des organes sensoriels.

L’abdomen est théoriquement formé de dix segments, mais chez les Diptères supérieurs comme Calliphora quatre segments seulement sont visibles extérieurement. Les organes copulateurs ont une structure compliquée.

Anatomie

L’appareil digestif comporte un jabot formé d’un sac bilobé ventral. L’intestin moyen est très long et présente une région antérieure (ventricule chilifique) et une région postérieure mince. L’intestin postérieur qui se termine par une ampoule rectale donne insertion à quatre tubes de Malpighi.

L’appareil respiratoire est caractérisé par l’existence de sacs aériens, particulièrement développés dans l’abdomen. Ils servent à la respiration et favorisent le vol par déplacement du centre de gravité. On suppose que les stigmates de Calliphora sont spécialisés: seul le stigmate métathoracique serait expirateur et le bourdonnement caractéristique de la mouche bleue serait produit par l’air qui en sort. Tous les autres stigmates trachéens seraient inspirateurs.

Le système nerveux est particulièrement condensé chez Calliphora puisque tous les ganglions abdominaux sont réunis aux ganglions thoraciques pour former une masse unique logée dans le thorax. Mais certains Diptères primitifs (Nématocères) possèdent trois ganglions thoraciques et sept ganglions abdominaux distincts. Il existe d’ailleurs toutes les transitions entre ces deux extrêmes.

Le développement

Les mouches, attirées par les substances en décomposition, pondent sur les chairs avariées où se développeront les larves ou asticots. Ceux-ci produisent les enzymes attaquant les protides et les graisses mais il n’y a pratiquement pas de ferments agissant sur les glucides. Les asticots semblent donc absorber uniquement les protéines préalablement liquéfiées. Cependant on ne peut élever ces larves sur du muscle stérile et la présence de bactéries semble nécessaire à leur croissance. Les bactéries sont d’ailleurs tuées par des antibiotiques produits par la larve. Dès 1803, Larrey, chirurgien célèbre des armées de l’Empire, avait observé l’action cicatrisante des larves sur les plaies. Pendant la guerre 1914-1918, de nombreux médecins militaires avaient également constaté que des plaies envahies par des asticots, loin de s’infecter, guérissaient. Enfin, à partir de 1930, W.S. Baer, puis d’autres chirurgiens obtinrent des guérisons spectaculaires de suppuration osseuse dans certains cas d’ostéomyélites. Ces résultats surprennent quand on sait que les mouches ont toujours été considérées comme de dangereux vecteurs des maladies et que leurs larves provoquent chez l’homme ou les animaux des plaies fort dangereuses (myases). Mais seules certaines espèces (dont Calliphora et Lucilia ) peuvent être utilisées; les antibiotiques de leurs sécrétions cutanées et buccales et ceux de leurs excréments sont actifs contre le staphylocoque doré et le streptocoque pyogène. Ces substances n’ont jamais été exploitées.

La larve de Calliphora est apode et acéphale (fig 4). Elle est de forme allongée, vaguement triangulaire, la partie pointue correspondant à la tête. Cette dernière est réduite; le premier segment ou pseudo-céphalon renferme les pièces buccales transformées en crochets mais ne contient pas le cerveau qui est reporté en arrière et est réuni à la chaîne ventrale. Les appendices céphaliques sont eux-même très régressés et les antennes représentées par deux papilles. Les stigmates respiratoires sont réduits à une paire antérieure, très petite, située sur le prothorax, et une paire de gros stigmates postérieurs visibles à l’œil nu sur l’extrémité arrière, large, de l’asticot.

La nymphose qui se fait dans une « pupe » donne naissance à la mouche adulte dont le régime alimentaire diffère fondamentalement de celui de la larve puisqu’elle assimile surtout les sucres.

La dissection montre un tube digestif très long avec un jabot volumineux et pédiculé et de nombreux cœcums digestifs. Les tubes de Malpighi sont au nombre de quatre, insérés par paires. Les glandes salivaires, tubulaires et volumineuses, ont une paroi faite d’une seule couche de cellules qui se trouvent toujours en nombre fixe et ne se divisent pas. Chez de nombreuses espèces de Diptères, les chromosomes deviennent géants et on sait combien les chromosomes des glandes salivaires de la drosophile ont été utilisés en génétique.

Le système nerveux de l’asticot est très condensé. Le système endocrinien rétro-cérébral revêt un aspect tout à fait particulier; il est dénommé anneau de Weissmann. Des travaux expérimentaux très poussés ont permis de définir le rôle de chacun de ses constituants dans le déterminisme de la métamorphose (Possompès, 1949).

2. Adaptation des pièces buccales des Diptères

Les pièces buccales des Diptères adultes ne sont jamais broyeuses et même dans le cas des mouches prédatrices (Dolichopodidés par exemple) qui lacèrent leurs proies, la mastication est réalisée non pas au moyen des mandibules mais au moyen des dents chitineuses qui arment les labelles transformées à cet effet. Dans la majorité des cas, les pièces buccales sont transformées en trompe piqueuse ou suceuse et on observe dans leur constitution d’importantes variations (fig. 5).

Les mandibules n’existent que chez les espèces hématophages. Les maxilles sont rarement complètes mais les palpes maxillaires sont le plus souvent présents. Le labium constitue généralement la partie la plus importante de la trompe et se replie en une gouttière qui contient souvent les autres pièces buccales. Enfin l’hypopharynx, presque toujours présent, est souvent creusé d’un canal salivaire qui joue un rôle important chez les espèces hématophages vectrices de maladies.

Les espèces piqueuses, prédatrices ou hématophages ont une trompe épaisse et courte (Tabanidés, Empididés) ou mince et longue (Culicidés). Les pièces buccales aisément reconnaissables chez les Asilidés et les Tabanidés sont transformées chez les Culicidés en minces stylets tous semblables et difficiles à distinguer les uns des autres.

Mais l’appareil piqueur le plus évolué et le plus parfait est sans aucun doute celui de la mouche tsé-tsé, ou glossine, qui est réduit au labre et au labium (étroitement coaptés pour former le canal alimentaire) et à l’hypopharynx que traverse le canal salivaire. Toutes les autres pièces ont disparu, à l’exception des palpes maxillaires qui forment au repos une gaine protectrice.

Les pièces buccales suceuses que nous avons étudiées chez Calliphora sont très évoluées et ne peuvent s’interpréter qu’en les comparant à celles des insectes plus primitifs, comme Tipula chez qui les mandibules ont disparu mais non les maxilles, encore reconnaissables; les labelles restent peu transformées. Chez les Syrphidés, les maxilles sont encore présents, mais le labium est déjà transformé en un organe suceur muni de pseudo-trachées.

3. Dimorphisme sexuel et reproduction

Chez les Calliphoridés, Muscidés, Syrphidés, Tachinidés, les yeux des mâles sont rapprochés ou même juxtaposés tandis que ceux des femelles sont écartés. Chez les moustiques (Culicidés), les mâles portent des antennes plumeuses et des palpes maxillaires très longs et couverts de poils tandis que les femelles ont des antennes non plumeuses et des palpes courts. Les antennes des Cécidomyies sont très différentes selon les sexes. Chez certains Empididés (genres Hilara ) les mâles portent des glandes à soie sur les tarses des pattes antérieures. Enfin les Diptères hématophages (ex. Culicidés, Tabanidés) présentent souvent un comportement alimentaire différent selon le sexe: seule la femelle se nourrit de sang, indispensable au développement des œufs, les mâles étant floricoles et souvent dépourvus de mandibules.

Le dimorphisme intervient dans le rapprochement des sexes; c’est le cas chez les Trypétidés dont les mâles possèdent sur l’abdomen des glandes exsertiles qui seraient des organes odoriférants auxquels on attribue un rôle au moment de la pariade. Les mâles de moustiques sont attirés par le sifflement caractéristique (ut 4) émis par la femelle. Leurs longues soies antennaires vibrent à ce son et l’insecte est attiré par un diapason donnant la même note.

Les femelles de certaines mouches prédatrices dévorent le mâle pendant l’accouplement (ex. Cératopogonidés). Les mâles de certains Empididés évitent cet inconvénient en apportant une proie à la femelle (ex. Empis opacca , E. scutellata ). On observe d’ailleurs toutes sortes de variantes dans cette «offrande nuptiale». C’est ainsi que les mâles d’Hilara quadrivittata qui possèdent des glandes séricigènes sur le tarse de la première paire de pattes enferment leur proie dans un ballonnet de soie qu’ils offrent à la femelle. Chez Hilara maura , le mâle remplace la proie par un pétale de fleur. Enfin chez Hilara thoracica le ballon de soie offert par le mâle à la femelle est vide. Dans ce dernier cas, l’offrande nuptiale est devenue un «rite», inexplicable si on ne le compare pas aux cas précédents.

4. Développement larvaire

Toutes les larves de Diptères sont apodes ou vermiformes mais on peut distinguer deux grands types: les larves eucéphales comme la larve aquatique des moustiques ont une tête normalement constituée tandis que les larves acéphales, ou asticots (fig. 4), ont une tête régressée à pièces buccales transformées en crochets mobiles verticalement.

Mais les larves de Diptères diffèrent par bien d’autres caractères. On observe par exemple une grande diversité dans le nombre et la disposition des stigmates trachéens: larves holopneustiques (les plus complètes quant au nombre des stigmates), hémipneustiques (ex. cécidomyies), amphipneustiques (ex. asticot de Calliphora ), métapneustiques (ex. Culex ), apneustiques (ex. coréthrines).

Les larves aquatiques peuvent venir respirer l’air à la surface comme les larves de moustiques ou les larves d’Eristalis tenax , ou ver à queue, qui vivent dans les eaux très souillées et portent à la partie postérieure de leur abdomen un long tube respiratoire rétractile. D’autres espèces aquatiques sont apneustiques et utilisent l’oxygène dissous dans l’eau, grâce à leur tégument (coréthrines) ou par l’intermédiaire de trachéobranchies (ex. chironomes, Blépharoceridés).

Il existe chez les Diptères des nymphes nues, libres et mobiles (ex. moustiques), ou enfermées dans un cocon de soie sécrété par la larve (ex. cédidomyies). Mais souvent la nymphe reste enfermée dans la dernière exuvie larvaire rétractée qui constitue un tonnelet brun, dur et résistant: le puparium.

Le Diptère est dit orthorhaphe lorsque l’adulte sort de la nymphe, par une fente dorsale longitudinale ou en forme de T (ex. Tabanidés, Empididés). Il est dit cyclorhaphe lorsque l’adulte émerge par une déhiscence circulaire soulevant à la partie antérieure de la pupe une sorte de couvercle (ex. Muscidés, Syrphidés, etc.).

Il existe des Diptères vivipares répartis en deux groupes:

– Les espèces dont les larves ne sont pas nourries dans l’utérus mais seulement incubées dans cet organe. Le cas le plus classique est celui de Sarcophaga carnaria , la grosse mouche noire qui dépose ses larves sur les viandes en décomposition, les excréments, etc. Les hypodermes déposent des œufs contenant une larve complètement formée sur le pelage des bovidés. C’est dans la narine du mouton que l’estre dépose ses larves qui gagnent la cavité nasale et le sinus frontal où elles provoquent le «faux tournis».

– Les espèces dont les larves sont nourries dans l’utérus maternel. Ce groupe comprend les pupipares et les glossines. La larve éclôt dans l’utérus et elle est nourrie par une sécrétion produite par des glandes spéciales.

La pédogenèse, forme de parthénogenèse se réalisant à l’état larvaire, est connue chez certains Chironomidés (Tanytarsus ) et Cécidomyidés (Miastor ). Les ovaires se développent précocement dans la larve de Miastor et produisent des œufs donnant directement de petites larves qui grandissent à l’intérieur du corps de la larve mère. Les larves filles libérées après avoir dévoré la larve mère se forment de la même façon donnant plusieurs générations pédogénétiques de plus en plus petites.

5. Écologie et éthologie

Le mode de vie des adultes et des larves des Diptères est souvent très différent. Cette dualité a permis à ces insectes de peupler tous les milieux car le comportement de la femelle établit généralement la liaison entre les deux modes de vie. C’est ainsi que les adultes des Syrphidés aiment à butiner sur les fleurs mais ils sont aussi attirés par le miellat des pucerons parmi lesquels ils déposent leurs œufs, ce qui permet à leurs larves, prédatrices de ces mêmes pucerons, de se nourrir dès leur éclosion.

Modes de vie des adultes

Les quelque 100 000 espèces de Diptères actuellement décrites ont les comportements les plus divers. Certaines fréquentent seulement les fleurs et les plantes, d’autres sont carnassières et chassent de petits insectes, d’autres espèces enfin recherchent la compagnie de l’homme ou des animaux domestiques qu’elles importunent directement en les piquant pour prélever leur sang ou indirectement en contaminant leur nourriture ou en vivant dans leurs déchets.

Les espèces floricoles

Beaucoup de Diptères adultes recherchent les plantes et butinent les fleurs sans leur causer de préjudices, la plupart des dégâts dus aux Diptères étant provoqués par les larves. Parmi les mouches floricoles, il faut citer les Syrphidés, aux couleurs chatoyantes, les Bombylidés à trompe allongée qui butinent les Labiées, les Composées, les Ombellifères (comme les abeilles solitaires dont elles sont parasites à l’état larvaire); les Bibionidés (Bibio marci ) noirs et bruns qui éclosent en masse aux premiers beaux jours. Il faut enfin rappeler que les mâles des moustiques et des taons ne se nourrissent pas de sang comme les femelles, mais sont floricoles.

Les mouches prédatrices et parasites d’insectes

Certaines mouches n’attaquent jamais les mammifères, mais chassent activement les insectes qu’elles capturent pour les mastiquer avec leurs labelles comme les Dolichopodidés, ou les transpercer de leur trompe vulnérante et absorber tout le contenu de leur corps comme les Asilidés. Ces derniers sont de grands Diptères au vol bruyant qui laissent parfois pendre leurs pattes postérieures de façon caractéristique. Ils sont capables d’attaquer des insectes plus gros qu’eux et de percer la chitine des Coléoptères les plus fortement sclérifiés.

Les Empididés s’attaquent à des insectes plus petits qu’eux. Leur accouplement s’accompagne des offrandes nuptiales évoquées plus haut: la proie apportée par le mâle peut être dévorée par les individus des deux sexes avant la copulation ou par la femelle seule pendant l’accouplement, et dans certains cas le don nuptial n’est plus qu’un rite.

De rares mouches vivent à l’état adulte en parasites. Ce sont les deux ou trois espèces du genre Braula; B. caeca , mouche aptère et régressée, vit accrochée aux abeilles domestiques, qui la véhiculent.

Les espèces liées à l’homme et aux animaux domestiques

Il faut distinguer les mouches qui vivent au voisinage de l’homme mais ne s’attaquent jamais directement à lui et les mouches hématophages qui sucent le sang de l’homme ou des animaux domestiques. Parmi cette dernière catégorie on distingue encore les espèces qui ne restent en contact avec les Vertébrés qu’au moment de la piqûre (ex. moustique) et celles qui vivent en ectoparasites constants dans le pelage ou le plumage de leurs hôtes.

Les mouches domestiques

La plus connue est Musca domestica , la petite mouche domestique qui ne pique jamais l’homme mais l’importune et souille ses aliments. Parmi les grosses mouches à viande, on peut distinguer au premier coup d’œil trois espèces principales: la mouche bleue (Calliphora erythrocephala ), la mouche verte (Lucilia serricata ), la mouche noire (Sarcophaga ). Mais bien d’autres espèces peuvent vivre au voisinage de l’homme: les Muscina stabulans , par exemple, qui donnent l’impression de danser sous les tilleuls en été viennent parfois pondre et hiverner dans les maisons. Les fannias, les drosophiles et les Psychodidés sont attirées par les matières en fermentation ou les déchets les plus divers.

Les espèces hématophages et vectrices de maladies

Parmi les moustiques (famille des Culicidés), l’espèce la plus commune en Europe est Culex pipiens , sous-famille des Culicinés, mais la sous-famille des Anophélinés comprend des espèces beaucoup plus dangereuses en raison des maladies qu’elles transmettent: les Anopheles sont les vecteurs du paludisme dont l’agent est un Plasmodium [cf. COCCIDIES] tandis que Stegomya fasciata (= Aedes Aegypti ) transmet la fièvre jaune. La mouche tsé-tsé ou glossine (Glossina palpalis ), espèce africaine, sert de vecteur à un flagellé du genre trypanosome, agent de la maladie du sommeil, tandis que des petits moucherons n’excédant pas 2,5 mm, les phlébotomes, transmettent d’autres Flagellés, les leishmanies, causant notamment le « bouton d’Orient». Parmi les Diptères hématophages, les taons (Tabanidés) poursuivent avec insistance les grands ruminants et les équidés mais peuvent attaquer occasionnellement l’homme. Il en est de même pour Stomoxys calcitrans (Muscidés) qui se tient en été au voisinage des écuries mais peut piquer l’homme, de préférence aux chevilles. Ces mouches hématophages peuvent véhiculer toutes sortes d’organismes pathogènes: bactéries charbonneuses, streptocoques, trypanosomes divers, etc. Plusieurs moucherons piquent également l’homme: les simulies (Simulium ornatum ) et les Certatopogonidés (Culicoides pulicaris ) pullulent parfois et rendent pénible le séjour dans les régions où ils abondent.

Les ectoparasites des oiseaux et des mammifères: les pupipares

Ces mouches hématophages vivent en ectoparasites dans le plumage ou le pelage de leurs hôtes (oiseaux ou mammifères). Leur caractère commun réside dans la viviparité; leur développement larvaire s’effectue entièrement dans l’utérus des femelles qui pondent des larves âgées se transformant rapidement en pupes. La vie parasitaire constante a entraîné des modifications morphologiques: aplatissement du corps, brachyptérisme ou même aptérisme, développement des griffes des pattes et parfois atrophie oculaire. Certaines espèces de la famille des Hippoboscidés sont des parasites des oiseaux (ex. Ornithomyia avicularia ), d’autres comme les Hippobosca parasitent le cheval, le bœuf et bien d’autres mammifères. Enfin la famille des Nyctéribiidés comprend des insectes complètement aptères qui parasitent exclusivement les chauves-souris.

Modes de vie des larves

Larves domestiques et détriticoles

Outre les espèces domestiques déjà citées à propos des adultes (Musca domestica, Calliphora , etc.) dont les larves vivent dans les viandes ou les déchets les plus divers, il existe des Diptères dont les asticots se développent dans certaines substances alimentaires comme les fromages. Deux espèces principales de mouche du fromage ont des asticots aisément reconnaissables: la larve de Piophila casei a un corps lisse et sans ornement et se déplace facilement par bonds; celle de Fannia caniculans possède des ornements épineux. Avalées par l’homme, ces larves peuvent provoquer des myases intestinales, surtout la seconde espèce. Les asticots de la drosophile vivent dans les fruits ou les liquides fermentés. Les larves des Psychodidés, moucherons de très petite taille, vivent dans les égouts; on trouve les larves d’Eristalis tenax , ou ver à queue, dans les liquides très pollués (fosses d’aisances, etc.). Les larves coprophages sont innombrables.

Larves phytophages

Elles ont une importance considérable en entomologie agricole car elles peuvent attaquer toutes les parties du végétal: racine, tige, feuille, fruit. Les larves de tipules qui vivent dans les matières végétales en décomposition, l’humus, s’en prennent aux racines des végétaux les plus divers, provoquant des dégâts dans les herbages, les trèfles, les Graminées ou les cultures maraîchères. Mais les larves de Diptères les plus nuisibles aux végétaux cultivés appartiennent à deux familles principales: les Trypétidés et les Cécidomyidés. Parmi les Trypétidés, les asticots de la mouche de l’asperge (Platyparea poeciloptera ) creusent les tiges. L’asticot de Ceratitis capitata (mouche des fruits) attaque près d’une centaine d’espèces d’arbres fruitiers; dans la région méditerranéenne, il commet des dégâts importants aux pêches, mais son extension géographique est limitée par les hivers froids. Les asticots de Rhagoletis cerasi sont les vers des cerises, ceux de Dacus oleae vivent dans la pulpe des olives (mouche de l’olive). Les cécidomyies sont de minuscules moucherons dont les larves peuvent provoquer sur les végétaux les cécidies (ou galles) les plus diverses. L’espèce le plus connue est sans doute Mikiola fagi dont la larve détermine à la face supérieure des feuilles de hêtre des galles rouges ayant la forme d’un pépin d’orange. Mais d’autres espèces ont une importance économique beaucoup plus grande car elles attaquent les céréales (ex. Contarinia tritici, Maetiola destructor ou mouche de Hesse) ou les fruits (ex. Contarinia pirivora qui parasite les poires).

Il existe en outre d’innombrables espèces de Diptères qui s’attaquent aux plantes sauvages et n’ont donc aucune importance économique. Ainsi, les larves d’Agromyzidés vivent dans l’épaisseur des feuilles où elles creusent des galeries sinueuses qui respectent les deux épidermes, supérieur et inférieur (larves dites «mineuses»). Elles ne provoquent des dégâts sérieux que dans les cultures florales (chrysanthèmes). Les larves de Mycétophilidés se tiennent entre les lamelles ou les tubes qui garnissent la face supérieure du chapeau des champignons.

Larves prédatrices

Aux États-Unis, la mouche du bétail (Cochliomya hominivorax ) a ravagé les troupeaux jusqu’à la mise en œuvre de la lutte autocide, fondée sur les lâchers de mâles stériles [cf. ENTOMOLOGIE AGRICOLE]. Cette méthode a permis d’éradiquer l’insecte de la Libye où il avait été introduit dans les années 1980.

Mais il existe aussi chez les Diptères des espèces dont les larves se nourrissent d’insectes nuisibles et qui doivent être rangées parmi les plus précieux auxiliaires de l’agriculture. C’est le cas de nombreuses espèces de la famille des Syrphidés. Leurs larves vivent au milieu des colonies de pucerons dont elles font une grande consommation. Ces larves sont capables de résister aux plus grands froids et à un état de sécheresse prolongé (L. Gaumont, 1929). La durée de la diapause est extrêmement variable. Certaines espèces (ex. Melanostoma ambigum ) ont une diapause larvaire très longue qui se prolonge pendant tout l’été et tout l’hiver. L’insecte n’a qu’une seule génération annuelle, au printemps, et une faible puissance de multiplication. Il ne présente donc, au point de vue agricole, qu’une importance secondaire. D’autres espèces au contraire (Syrphus balteatus, S. ribesii, S. corollae ) ont une diapause larvaire courte, en hiver, et les nombreuses générations, cinq ou six, qui se succèdent sans interruption pendant la belle saison sont capables, en raison de leur voracité et de leur fécondité, de détruire les colonies de pucerons les plus peuplées. À côté des Syrphidés il existe d’autres espèces de Diptères prédatrices: certaines larves de cécédomyies chassent également les Aphididés mais aussi les Coccidés, les Psyllidés, les Acariens. Enfin la larve de Vermileo (Rhagionidés) creuse dans le sable un piège tout à fait semblable à celui du fourmillon.

Larves commensales ou parasites

Les Termitoxénidés se développent dans le nid des termites champignonnistes. Certaines larves de Phoridés vivent en commensales ou en parasites dans les nids de fourmis. Les Bombylidés sont parasites des abeilles ou des guêpes solitaires. Beaucoup plus imporants au point de vue économique sont les tachinaires dont les larves parasitent toutes sortes d’Insectes nuisibles. Les Phasiinés parasitent surtout les Hétéroptères. Les Dexia vivent principalement aux dépens des Lépidoptères; c’est ainsi que les larves du genre Carcelia attaquent trente espèces de chenilles et celles du genre Phryxe plus de soixante. On a même préconisé l’utilisation de certaines espèces comme Phryxe seconda dans la lutte biologique contre les chenilles processionnaires (E. Biliotti). Le parasitisme des tachinaires est très variable selon les espèces. Dans certains cas, les œufs de petite taille (œufs microtypes) sont déposés sur les plantes servant de nourriture à l’hôte qui les avale en même temps que ses aliments. Dans d’autres cas, l’œuf (ou l’asticot pour les espèces vivipares) est déposé par la mouche pondeuse directement sur son hôte, comme le fait une sarcophagine, Sarcophaga Kellyi , qui attaque les criquets migrateurs en vol et fixe son asticot sur la face inférieure des ailes postérieures: la larve pénétrera dans le corps en perforant les membranes articulaires de la base de l’aile. Enfin une tachinaire (Chaetophleps setosa ), parasite des Coléoptères chrysomélidés, possède une tarière pointue qui lui permet de perforer l’élytre de son hôte pour pondre directement dans son corps. Les larves de tachinaires se nourrissent des organes de leur hôte et entraînent le plus souvent la mort de celui-ci dans un délai plus ou moins bref. Durant leur vie parasitaire, les asticots respirent au moyen d’un tube chitineux qui se greffe sur une trachée de l’hôte ou qui s’ouvre directement à l’extérieur à la suite d’une perforation (Pantel).

Les larves de Diptères peuvent parasiter bien d’autres Invertébrés. C’est ainsi que les Onchodidés parasitent les araignées (Millot). Parmi les mollusques, les limnées, les physes, les planorbes sont parasités par des Tétanocéridés (Colobaea ) tandis que les escargots sont recherchés par des Phoridés et les Calliphoridés (Sarcophaga, Melanophora, Helicobosca ); quant aux vers de terre, ils hébergent des larves d’une calliphoride, Pollenia rudis , qui provoquent leur mort.

Parasites des Vertébrés

Les asticots qui vivent dans le corps des animaux domestiques ou de l’homme déterminent des maladies que l’on appelle « myases »; certaines sont accidentelles comme la plupart des myases humaines provoquées par les asticots de Musca domestica, Fannia, Phiophila , etc., d’autres sont provoquées par des parasites obligatoires.

Les larves de l’estre du mouton vivent dans les sinus frontaux de l’animal, produisant des vertiges ou «faux tournis» (le tournis vrai étant provoqué par le cysticerque d’un cestode ou cœnure cérébral). L’Hypoderma bovis (varron) dépose les œufs embryonnés sur le pelage du bœuf qui les avale en se léchant; la larve se développe dans le corps en se déplaçant dans les tissus; elle termine son évolution sous la peau où elle provoque la formation de tumeurs furonculeuses. Les larves des gastérophiles vivent en colonies nombreuses dans l’estomac des chevaux. La femelle de Gasterophilus intestinalis pond sur les jambes antérieures du cheval qui s’infecte en se léchant, tandis que celle, moins prolifique de G. haemorrhoidalis pond sur les lèvres mêmes de son hôte. Enfin les larves des Cutérébridés (famille exclusivement américaine) sont toutes des parasites obligatoires des Vertébrés. Celle de Cuterebra emasculator se développe dans le scrotum des écureuils américains et détruisent leurs testicules. Quant aux femelles de Dermatobia cyaniventris ou de D. hominis , elles capturent une mouche ou un moustique et y collent un paquet d’œufs; les jeunes larves attendent que le moustique se pose sur un Vertébré (bœuf, chien, homme) pour se laisser tomber sur sa peau où elles provoqueront des tumeurs très douloureuses.

Larves aquatiques

L’eau douce contient une riche faune de larves de Diptères (fig. 6). Les larves de moustiques (Culex, Anopheles ) y abondent et les plus petites étendues d’eau (ornières, gouttières, troncs d’arbres creux), leur conviennent. Les eaux stagnantes hébergent en outre les larves de coréthrines (Chaoborus crystallinus ) entièrement transparentes, les larves de chironomes, (vers de vase rouges) certains Tabanidés, Muscidés, etc. Les torrents possèdent une faune particulière, adaptée aux courants rapides: larves de Blépharocéridés, au corps plat muni de six ventouses ventrales, larves de simulies fixées par leur extrémité postérieure. Ces dernières espèces ne vivent que dans les eaux froides, mais il existe des larves de Diptères qui résistent au contraire aux températures élevées: dans les sources thermales chaudes on trouve des larves de Chironomidés et de Stratiomyiidés; quant aux pupes d’Ephydridés, elles vivent même dans les sources chaudes de Java qui atteignent 55 à 65 0C. Ces deux dernières familles semblent particulièrement résistantes puisqu’on les a également observées dans les eaux saumâtres et sursalées.

Larves résinicoles et des pétroles

Tous les exemples que l’on vient de citer montrent l’extraordinaire résistance des larves de Diptères. Les sucs gastriques, les sources chaudes ou les eaux sursalées ne constituent pas des biotopes habituellement favorables à la vie. Les liquides les plus putrides (ex. ceux des fosses d’aisance) conviennent parfaitement au développement de certains Diptères et on a même pu trouver des larves de Phoridés dans des pièces anatomiques conservées dans le formol. Mais les milieux les plus surprenants hébergeant des Diptères sont sans doute la résine des pins et les pétroles. Dans les coulées résineuses on trouve en effet les larves d’une cécidomyie adaptée à ce milieu (Cécidomyia pini ). Elle possède sur le dos des sortes de pseudopodes qui lui permettent de se déplacer dans la résine et elle vient respirer à la surface grâce à ses stigmates postérieurs. Elle ne sort de la résine que pour tisser le cocon de soie où se fait la nymphose. Elle ne cause aucun dégât aux pins, mais il existe une espèce très voisine (C. pilosa ), qui, vivant sur les épicéas dépourvus d’écoulement résineux naturel, s’attaque à leurs bourgeons pour provoquer l’exsudation de résine qui lui est nécessaire (R. Gaumont, 1958). Tout aussi extraordinaire est l’asticot de l’éphydride Psilopa petrolei qui se développe habituellement dans les mares de pétrole en Californie; il vient respirer à la surface mais on ne sait pas encore s’il tire sa nourriture du pétrole même (ce qui semble peu probable) ou s’il se nourrit des débris ou des petits cadavres des animaux qui s’y noient.

diptères
n. m. pl. ENTOM Ordre d'insectes munis de deux ailes, comportant les mouches, les taons, les moustiques.
Sing. Un diptère.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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